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LIVRE XXVII, CHAPITRE UNIQUE.

La loi Voconienne étoit faite pour régler les richesses, et non pas pour régler la pauvreté : aussi Cicéron nous dit-il [1] qu’elle ne statuoit que sur ceux qui étoient inscrits dans le cens.

Ceci fournit un prétexte pour éluder la loi. On sait que les Romains étoient extrêmement formalistes ; et nous avons dit ci-dessus que l’esprit de la république étoit de suivre la lettre de la loi. Il y eut des pères qui ne se firent point inscrire dans le cens, pour pouvoir laisser leur succession à leur fille : et les préteurs jugèrent qu’on ne violoit point la loi Voconienne, puisqu’on n’en violoit point la lettre.

Un certain Anius Asellus avoit institué sa fille unique héritière. Il le pouvoit, dit Cicéron : la loi Voconienne ne l’en empéchoit pas, parce qu’il n’étoit point dans le cens [2]. Verrès, étant préteur, avoit privé la fille de la succession : Cicéron soutient que Verrès avoit été corrompu, parce que, sans cela, il n’aura point interverti un ordre que les autres préteurs avoient suivi.

Qu’étoient donc ces citoyens qui n’étoient point dans le cens qui comprenoit tous les citoyens ? Mais, selon l’institution de Servius Tullius, rapportée par Denys d’Halicarnasse [3], tout citoyen qui ne se faisoit point inscrire dans le cens, étoit fait esclave : Cicéron lui-même dit qu’un tel homme perdoit la liberté [4] : Zonare dit la même chose. Il falloit donc qu’il y eût de la différence entre n’être point dans le cens selon l’esprit de la loi Voconienne, et n’être point dans le cens selon l’esprit des institutions de Servius Tullius.

  1. Qui census esset. Seconde haranue contre Verrès. (M.)
  2. Census non erat. Ibid. (M.)
  3. Liv. IV. (M.)
  4. In oratione pro Cœcinna. (M.)