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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Toutes les actions civiles et criminelles se réduisent en faits. C’est sur ces faits que l’on combattoit ; et ce n’étoit pas seulement le fond de l’affaire qui se jugeoit ar le combat, mais encore les incidents et les interlocutoires, comme le dit Beaumanoir [1], qui en donne des exemples.

Je trouve qu’au commencement de la troisième race, la jurisprudence étoit toute en procédés ; tout fut gouverné par le point d’honneur. Si l’on n’avoit pas obéi au juge, il poursuivoit son offense. A Bourges [2], si le prévôt avoit mandé quelqu’un, et qu’il ne fiit pas venu : « Je t’ai envoyé chercher, disoit-il ; tu as dédaigné de venir ; fais-moi raison de ce mépris ; » et l’on combattoit. Louis le Gros réforma [3] cette coutume.

Le combat judiciaire étoit en usage à Orléans dans toutes les demandes de dettes [4]. Louis le Jeune déclara que cette coutume n’auroit lieu que lorsque la demande excéderoit cinq sous. Cette ordonnance étoit une loi locale ; car, du temps de saint Louis [5], il suffisoit que la valeur fût de plus de douze deniers. Beaumanoir [6] avoit oui dire à un seigneur de loi, qu’il y avoit autrefois en France cette mauvaise coutume, qu’on pouvoit louer pendant un certain temps un champion pour combattre dans ses affaires. Il falloit que l’usage du combat judiciaire eût, pour lors, une prodigieuse extension.

  1. Ch. LXI, p. 309 et 310. (M.)
  2. Chartre de Louis le Gros, de l'an 1145, dans le Recueil des Ordonnances. (M .)
  3. Ibid. (M.)
  4. Chartre de Louis le Jeune, de l'an 1168, dans le Recueil des Ordonnances. (M.)
  5. Voyez Beaum., ch. LXIII, p. 325. (M.)
  6. Voyez la Coutume de Beauvoisis, ch. XXVIII, p. 203. (M.)
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