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DE L’ESPRIT DES LOIS.


une raison suffisante. Justinien ordonna qu’un mari pourroit être répudié, sans que la femme perdît sa dot, si pendant deux ans il n’avoit pu consommer le mariage [1]. Il changea sa loi, et donna trois ans au pauvre malheureux [2]. Mais, dans un cas pareil, deux ans en valent trois, et trois n’en valent pas plus que deux.

Lorsqu’on fait tant que de rendre raison d’une loi, il faut que cette raison soit digne d’elle. Une loi romaine décide qu’un aveugle ne peut pas plaider, parce qu’il ne voit pas les ornements de la magistrature [3]. II faut l’avoir fait exprès, pour donner une si mauvaise raison, quand il s’en présentait tant de bonnes.

Le jurisconsulte Paul dit que l’enfant nait parfait au septième mois, et que la raison des nombres de Pythagore semble le prouver [4]. Il est singulier qu’on juge ces choses sur la raison des nombres de Pythagore.

Quelques jurisconsultes françois ont dit que, lorsque le roi acquéroit quelque pays, les églises y devenoient sujettes au droit de régale, parce que la couronne du roi est ronde [5]. Je ne discuterai point ici les droits du roi, et si, dans ce cas, la raison de la loi civile ou ecclésiastique doit céder à la raison de la loi politique ; mais je dirai que des droits si respectables doivent être défendus par des maximes graves. Qui a jamais vu fonder, sur la figure d’un

  1. L. 1, code De repudiis. (M.)
  2. Voyez l'Authentique sed hodie, au code De repudiis. (M.)
  3. L. 1, ff. De postulando. (M.)
  4. Dans ses Sentences, liv. IV, tit. IX. (M.)
  5. Dans la dispute de la régale, sous le règne de Louis XIV, l’archevêque de Paris, M. de Harlay fut qualifié dans un pamphlet du temps d'arrondisseur de la Couronne, parce que, dit Jurieu, il soutenoit que le droit de régale était attaché à la rondeur de la couronne fermée, et une annexe de la pleine puissance des rois de France. (L’Esprit de M. Arnaud, t. 1, p. 68.)