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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Grégoire de Tours [1] dit qu’un certain juge fut obligé, après la mort de Chilpéric, de se réfugier dans une église, pour avoir, sous le règne de ce prince, assujetti à des tributs des Francs, qui, du temps de Childebert, étoient ingénus : Multos de Francis, qui tempore Childeberti regis, ingenui fuerant, publico tributo subegit. Les Francs qui n’étoient point serfs, ne payoient donc point de tributs.

Il n’y a point de grammairien qui ne pâlisse en voyant comment ce passage a été interprété par M. l’abbé Dubos [2]. Il remarque que, dans ces temps-là, les affranchis étoient aussi appelés ingénus. Sur cela, il interprète le mot latin ingenui, par ces mots : affranchis de tributs ; expression dont on peut se servir dans la langue françoise, comme on dit affranchis de soins, affranchis de peines ; mais dans la langue latine, ingenui a tributis, libertini a tributis, manumissi tributorum, seroient des expressions monstrueuses.

Parthenius, dit Grégoire de Tours [3], pensa être mis à mort par les Francs, pour leur avoir imposé des tributs. M. l'abbé Dubos [4], pressé par ce passage, suppose froidement ce qui est en question : c’étoit, dit-il, une surcharge [5].

On voit, dans la loi des Wisigoths [6], que, quand un barbare occupoit le fonds d’un Romain, le juge l’obligeoit

  1. Liv. VII. (M.)
  2. Établissement de la monarchie française, tome IlI, ch. XIV, p. 515. (M.)
  3. Lib. III, ch XXXVI. (M.)
  4. Tome III, p. 514. (M.)
  5. Ce paragraphe et le suivant ne sont pas dans A, B.
  6. Judices atque prœpositi tertias Romanorum, ab illis qui occupatas tenent, auferant, et Romanis sua exactione sine altqua dilatione restituant, ut nihil fisco debeat deperire. Liv. X, tit. I, ch. XIV. (M.)