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DE L’ESPRIT DES LOIS.


soit l'histoire romaine et très-peu la nôtre, et où nos monuments anciens étoient ensevelis dans la poussière.

M. l’abbé Dubos a tort de citer Cassiodore, et d’employer ce qui se passoit en Italie et dans la partie de la Gaule soumise à Tbéodoric, pour nous apprendre ce qui étoit en usage chez les Francs ; ce sont des choses qu’il ne faut point confondre. Je ferai voir quelque jour, dans un ouvrage particulier [1], que le plan de la monarchie des Ostrogoths étoit entièrement différent du plan de toutes celles qui furent fondées dans ces temps-là par les autres peuples barbares : et que, bien loin qu’on puisse dire qu’une chose étoit en usage chez les Francs, parce qu’elle l’étoit chez les Ostrogoths, on a au contraire un juste sujet de penser qu’une chose qui se pratiquoit chez les Ostrogoths, ne se pratiquoit pas chez les Francs.

Ce qui coûte le plus à ceux dont l’esprit flotte dans une vaste érudition, c’est de chercher leurs preuves là où elles ne sont point étrangères au sujet, et de trouver, pour parler comme les astronomes, le lieu du soleil.

M. l’abbé Dubos abuse des capitulaires comme de l’histoire [2], et comme des lois des peuples barbares. Quand il veut que les Francs aient payé des tributs, il applique à des hommes libres ce qui ne peut être entendu que des serfs [3] ; quand il veut parler de leur milice, il applique à des serfs ce qui ne pouvoit concerner que des hommes libres [4].

  1. Montesquieu avait eu l'idee de faire l'histoire de Théodoric, roi des Ostrogoths. On en a trouvé des fragments dans ses papiers.
  2. A. B, comme des historiens et des lois, etc.
  3. Établissement de la monarchie française, tome III, ch. XIV, p. 513, où il cite l'art. 28 de l’édit de Pistes. Voyez ci-après le ch. XVIII (M.)
  4. Ibid., tome III, ch. IV, p. 298. (M.)
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