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LIVRE XXX, CHAP. XVIII.


que ceux que les Saxons appeloient coples furent nommés par les Normands comtes compagnons, parce qu'ils partageoient avec le roi les amendes judiciaires : aussi voyons-nous, dans tous les temps, que l'obligation de tout vassal envers [1] son seigneur, fut de porter les armes et de juger ses pairs dans sa cour [2].

Une des raisons qui attachoit ainsi ce droit de justice au droit de mener à la guerre, étoit que celui qui menoit à la guerre faisoit en même temps payer les droits du fisc, qui consistoient en quelques services de voiture dus par les hommes libres, et en général en de certains profits judiciaires dont je parlerai ci-après.

Les seigneurs eurent le droit de rendre la justice dans leur fief, par le même principe qui fit que les comtes eurent le droit de la rendre dans leur comté ; et, pour bien dire, les comtés, dans les variations arrivées dans les divers temps, suivirent toujours les variations arrivées dans les fiefs : les uns et les autres étoient gouvernés sur le même plan et sur les mêmes idées. En un mot, les comtes dans leurs comtés étoient des leudes ; les leudes dans leurs seigneuries étoient des comtes.

On n’a pas eu des idées justes, lorsqu’on a regardé les comtes comme des officiers de justice, et les ducs comme des officiers militaires. Les uns et les autres [3] étoient également des officiers militaires et civils [4] : toute la différence

  1. Les Assises de Jérusalem, ch. CXXXI et CCXXII, expliquent bien ceci. (M.)
  2. Les avoués de l’Église (advocati) étoient également à la tête de leurs plaids et de leur milice. (M.)
  3. A. B. L'un et l'autre étoient également des officiers militaires et civils.
  4. Voyez la formule VIII de Marculfe, liv. I, qui contient les lettres accordées à un duc, patrice, ou comte, qui leur donnent la juridiction civile et l’administration fiscale. (M.)