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DE L’ESPRIT DES LOIS.


admirables [1] : on y distingue avec finesse les cas, on y pèse les circonstances [2] ; la loi se met à la place de celui qui est offensé, et demande pour lui la satisfaction que dans un moment de sang-froid il auroit demandée lui-même.

Ce fut par l’établissement de ces lois que les peuples germains sortirent de cet état de nature où il semble qu’ils étoient encore du temps de Tacite.

Rotharis déclara, dans loi des Lombards, qu’il avoit augmenté les compositions de la coutume ancienne pour les blessures, afin que le blessé étant satisfait, les inimitiés pussent cesser [3]. En effet, les Lombards, peuple pauvre, s’ étant enrichis par la conquête de l’Italie, les compositions anciennes devenoient frivoles, et les réconciliations ne se faisoient plus. Je ne doute pas que cette considération n’ait obligé les autres chefs des nations conquérantes à faire les divers codes de lois que nous avons aujourd’hui.

La principale composition étoit celle que le meurtrier devoit payer aux parents du mort. La différence des conditions en mettoit une dans les compositions [4] : ainsi, dans la loi des Angles, la composition étoit de six cents sous pour la mort d’un adalingue [5], de deux cents pour celle d’un homme libre, de trente pour celle d’un serf. La grandeur de la composition établie sur la tête d’un homme, faisoit donc une de ses grandes prérogatives ; car, outre la distinction qu’elle faisoit de sa personne, elle établissoit

  1. A. B. Les lois saliques sont à cet égard admirables.
  2. Voyez surtout les titres III — VII de la loi salique, qui regardent les vols des animaux. (M.)
  3. Liv. I, tit. VII, § 15. (M.)
  4. Voyez la loi des Angles, tit. I, § 1, 2, 4 ; ibid, tit. V, § 6 ; la loi des Bavarois, tit. I, ch. VIII et IX, et la loi des Frisons, tit. XV. (M.)
  5. C'est-à-dire d’un noble.