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LIVRE XXX, CHAP. XXV


pouvoient être renvoyés devant le roi, et ceux où ils ne le pouvoient pas.

On trouve dans la vie de Louis le Débonnaire, écrite par Tégan [1], que les évêques furent les principaux auteurs de rhumiliation de cet empereur, surtout ceux qui avoient été serfs, et ceux qui étoient nés parmi les Barbares. Tégan apostrophe ainsi Hébon, que ce prince avoit tiré de la servitude, et avoit fait archevêque de Reims : « Quelle récompense l'empereur a-t-il reçue de tant de bienfaits [2] ! Il t'a fait libre, et non pas noble ; il ne pouvoit pas te faire noble après t’avoir donné la liberté. »

Ce discours, qui prouve si formellement deux ordres de citoyens, n’embarrasse point M. l'abbé Dubos. Il répond ainsi [3] : « Ce passage ne veut point dire que Louis le Débonnaire n’eût pas pu faire entrer Hébon dans l'ordre des nobles. Hébon, comme archevêque de Reims, eût été du premier ordre, supérieur à celui de la noblesse. » Je laisse au lecteur à décider si ce passage ne le veut point dire ; je lui laisse à juger s’il est ici question d’une préséance du clergé sur la noblesse. « Ce passage prouve seulement, continue [4] M. l’abbé Dubos, que les citoyens nés libres étoient qualifiés de nobles hommes [5] : dans l’usage du monde, noble homme, et homme né libre, ont signifié longtemps la même chose. » Quoi ! sur ce que, dans nos temps modernes, quelques bourgeois ont pris la qualité de nobles hommes, un passage de la vie de Louis

  1. Ch. XLIII et XLIV. (M.)
  2. O qualem remunerationem reddidisti ei ! Fecit te lib rum, non nobilem, quod impossibile est post libertatem. Ibid. (M.)
  3. Établissement de la monarchie française, tome III, liv. VI, ch. IV, p.316. (M.)
  4. Établissement de la monarchie française, liv. VI, ch. IV, p. 316. (M.)
  5. A. B. Noble-hommes.