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DE L’ESPRIT DES LOIS.


les Pères qui les ont censurées, sans doute avec un zèle Jouable pour les choses de l’autre vie, mais avec très-peu de connoissance des affaires de celles-ci... (Livre XXIII, chapitre XXI.) Des sectes de philosophes avoient déjà introduit dans l’Empire un esprit d’éloignement pour les affaires.... De là une idée de perfection attachée à tout ce qui mène à une vie spéculative ; de là l’éloignement pour les soins et les embarras d’une famille. La religion chrétienne, venant après la philosophie, fixa, pour ainsi dire, des idées que celle-ci n’avoit fait que préparer. Il est certain que les changements de Constantin furent faits, ou sur des idées qui se rapportoient à l’établissement du christianisme, ou sur des idées prises de sa perfection... De là ces lois qui affaiblirent l’autorité paternelle, en ôtant au père la propriété du bien de ses enfants. Pour étendre une religion nouvelle, il faut ôter l’extrême dépendance des enfants, qui tiennent toujours moins à ce qui est établi... On ne cessa de prêcher partout la continence, c’est-à-dire, cette vertu qui est plus parfaite, parce que par sa nature elle doit être pratiquée par très-peu de gens... La même raison de spiritualité qui avoit fait permettre le célibat, imposa bientôt la nécessité du célibat même. A Dieu ne plaise que je parle ici contre le célibat qu’a adopté la religion, mais qui pourroit se taire contre celui qu’a formé le libertinage ; celui où les deux sexes, se corrompant par les sentiments naturels mêmes, fuient une union qui doit les rendre meilleurs, pour vivre dans celles qui les rendent toujours pires ? C’est une règle tirée de la nature que, plus on diminue le nombre des mariages qui pourroient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits. Moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages : comme lorsqu’il y a de vo-