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DE L’ESPRIT DES LOIS.


le destin pour les dieux mêmes, à tant d’autres qui enseignent que Dieu est souverainement libre dans tout ce qu’il fait ? A cela point de réponse. Mais qu’a-t-on répondu au dernier article ? Le voici : « Quand l’auteur a dit que la création, qui paroît être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées, on n’a pas pu l’entendre comme s’il disoit que la création fût un acte nécessaire comme la fatalité des athées, puisqu’il a déjà combattu cette fatalité. De plus, les deux membres d’une comparaison doivent se rapporter. Ainsi il faut absolument que la phrase veuille dire : la création, qui paroît d’abord produire des règles de mouvements variables, en a d’aussi invariables que la fatalité des athées. »

Le commentaire s’accorde-t-il avec le texte ? C’est ce qu’il n’est pas aisé d’apercevoir. L’acte de la création est l’acte par lequel Dieu a tiré tous les êtres du néant. Cet acte est-il arbitraire ? L’auteur a d’abord répondu : il paroît arbitraire ; mais il a des règles aussi invariables que la fatalité des athées. Voilà le texte. Maintenant on nous transporte aux effets de la création, aux règles par lesquelles Dieu gouverne le monde. Mais il ne s’agit pas des règles par lesquelles Dieu le conserve, il s’agit de l’acte même de la création ; c’est de cet acte que l’auteur a prononcé qu’il paroît être arbitraire, et qu’il a des règles aussi invariables que la fatalité des athées. Ce que dit maintenant l’auteur le justifie-t-il ? Point du tout. C’est une grande erreur de soutenir que Dieu conserve le monde par des lois aussi invariables que la fatalité des athées. Dans le système de ces impies, Dieu ne sauroit se défendre de la fatalité, il faut qu’il en subisse le joug. Il n’en est pas de même du Dieu que nous adorons : s’il a établi des lois pour conserver le monde, qu’il a créé par