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RÉPONSE A LA DÉFENSE


Il est bien juste que l’auteur qui parle si souvent pour les autres, ne s’oublie pas lui-même. Il prétend qu’il est de l’intérêt de l’État de ne pas gêner les esprits. Si on l’en croit, la manière dont nous l’avons critiqué est la chose du monde la plus capable de borner l’étendue et de diminuer la somme du génie national. « Il n’y a point, ajoute-t-il, de génie qu’on ne rétrécisse, lorsqu’on l’enveloppera d’un million de scrupules vains... Il n’y a ni science ni littérature qui puisse résister à ce pédantisme (Sup., p. 202). » Spinosa dit la même chose, qu’on doit laisser la liberté du raisonnement : « qu’elle est très-importante et très-nécessaire pour les sciences et pour les arts, qui ne peuvent être cultivés avec succès que par ceux qui sont libres de préjugés et de contrainte ». Spinosa parle ainsi dans le vingtième chapitre de son livre, fait pour prouver que, « dans une république libre, il doit être permis d’avoir telle opinion que l'on veut, et même de la dire ».

Nous ne suivrons pas l’auteur dans les réflexions qu’il fait sur ce qu’il appelle « erreur particulière du critique ». Nous prions seulement de comparer la réponse de l’auteur avec notre texte, et l’on verra si nous avons eu tort d’entendre de la religion chrétienne ce qu’il prétend n’avoir dit que de la religion judaïque et de la religion mahométane.

Sur l’article du mariage, dont l’auteur rapporte l’établissement à l’obligation qu’a le père de nourrir ses enfants, nous avons dit : « Un chrétien rapporteroit l’institution du mariage à Dieu même, qui donna une compagne à Adam, et qui unit le premier homme et la première femme par un lien indissoluble, avant qu’ils eussent des enfants à nourrir. »