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DE L’ESPRIT DES LOIS.

L’auteur répond : « Qu’il est chrétien, mais qu’il n’est point imbécile ; qu’il adore ces vérités, mais qu’il ne veut point mettre à tort et à travers toutes les vérités qu’il croit ; que l’empereur Justinien étoit chrétien, et son compilateur aussi ; que cependant ils définissent le mariage, l’union de l’homme et de la femme, qui forme une société individuelle ; qu’il n’est jamais venu dans la tête de personne de leur reprocher de n’avoir pas parlé de la révélation (Sup., p. 183) ».

Voilà bien du feu, mais il est aisé de l’éteindre. La définition que Justinien donne du mariage est très-sensée et conforme à la révélation, Si on avoit demandé à Justinien ce qui a fait établir le mariage, il n’auroit pas répondu comme l’auteur de l'Esprit des Lois, que, c’est l’obligation naturelle qu’a le père de nourrir ses enfants. On est époux avant d’être père, et on peut être époux sans être père. L’obligation qu’a le père de nourrir ses enfants est une suite du mariage ; mais la cause de son institution est la naissance des enfants. Quand Dieu eut donné une épouse à Adam, il dit : Croissez et multipliez. Si l’auteur l’avoit dit, personne ne l’auroit pris pour un imbécile, et l’on auroit reconnu à ce langage le langage d’un chrétien.

Vient enfin l’article de l’usure, où l’auteur de la Défense se croit à l’aise. Il y emploie quarante pages en raisonnements. Nous lui avons reproché d’avoir dit : « Il est clair que celui qui a besoin d’argent doit le louer, comme il fait toutes les choses dont il peut avoir besoin... c’est bien une action très-bonne de prêter à un autre son argent sans intérêt ; mais on sent que ce ne peut être qu’un conseil de religion, et non une loi civile. »

S’il y a texte au monde qui soit clair, c’est celui-ci.