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SUITE DE LA DÉFENSE


moulés sur de vieilles idées, et dictés par la prévention à travers de laquelle il a tout vu.

M. de M... s’est cru en droit de ne pas répondre à des critiques qui ne l’avoient pas entendu, et qui peut-être n’avoient pu ni voulu l’entendre. D’ailleurs, ils violoient la première loi de leur art : au lieu de donner des preuves, ils faisoient des reproches, et de critiques ils devenoient censeurs. Vis-à-vis d’un aussi habile raisonneur, c’étoit bien le moins que d’employer le raisonnement ; mais il est aisé de faire des reproches et difficile de donner des raisons : ils recoururent donc à la voie la plus courte. Le ton magistral est si aisé à prendre ! ils le prirent. Croyoient-ils que l’auteur de l'Esprit des Lois courberoit humblement la tête sous le joug du despotisme dont il voudroit affranchir ses semblables ? Croyoient-ils qu’il reconnoitroit l’autorité arbitraire dans le monde savant, lui qui ne la peut souffrir dans le monde politique ?

« Nous avons reproché à l’auteur de l'Esprit des Lois d’avoir dit : qu’il s’en faut bien que le monde intelligent soit aussi bien gouverné que le monde physique. Ce qui suppose en Dieu un défaut de sagesse et un manque de puissance. A ce reproche point de réponse. »

Et en falloit-il à un reproche ridicule ? Qu’exprime la proposition censurée ? Une vérité d’expérience. Étoit-il donc si nécessaire de dire : voyez, à gens qui n’avoient pas d’abord vu ? Cette vérité, entendue du gouvernement politique, est incontestable. Les critiques sont responsables du sens impie qu’ils y attachent, et de l’affreuse conséquence qu’ils en tirent avec Bayle. Si M. de M... savoit, comme eux, l’art funeste d’empoisonner les paroles les plus innocentes, après avoir établi sa réflexion sur des principes inébranlables, quelles malignes interprétations