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SUITE DE LA DÉFENSE


proposition ? Cette raison est physique : la chaleur excessive en affaiblissant le corps, énerve l’action des facultés de l'âme, qui en dépendent.

Les critiques vouloient-ils que M. de M... s’inscrivit en faux contre le témoignage historique, et qu’il assurât que le monachisme est né dans les pays froids ? ou bien qu’il fît main basse sur une vérité physique pour nous apprendre que dans les pays chauds on est plus porté à la spéculation qu’à l’action ? S’attendoient-ils que, pour leur plaire, il feroit un désaveu, qui déplairoit au sens commun ?

Peut-être ont-ils été blessés du mot de spéculation ; en effet, il insulte à l’activité de la vie monastique ; prenez donc que M. de M... se soit mépris pour cette fois, et qu’il aurait dû faire des moines des êtres agissants, au lieu de les qualifier d’êtres spéculatifs.

« Nous lui avons reproché d’avoir mis sur la même ligne, avec les dervis de la religion mahométane et les pénitents idolâtres des Indes, les moines les plus saints et les plus édifiants de l’Église catholique. »

Vis-à-vis d’un politique, qui considère les objets relativement à l’utilité de l’espèce humaine, il n’y a pas une grande différence entre un moine et un dervis, entre un pénitent de l’Église indienne et un pénitent de l’Église catholique. Je ne vois pas que la société soit plus redevable à un capucin qu’à un faquir. Les uns et les autres sont fous et fainéants. Un philosophe trouvera tant de traits de ressemblance entre eux, qu’il pardonnera bien à l’auteur de l'Esprit des Lois de les avoir mis sur la même ligne. Ajouterai-je qu’on n’entend pas trop bien ce que c’est qu’un moine saint, un moine édifiant ? Dans ce siècle-ci, on ne canonise plus les gens à si bon marché.