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DE L’ESPRIT DES LOIS.


celle que leur donnoient les lois les plus favorables : autorité chimérique, puisqu’elle leur confère un droit que les filles mêmes n’ont pas, autorité sujette au mépris, parce que dans le temps de saint Paul l’usage des grilles et des verrous n’avoit pas encore fait d’un sacrifice volontaire un devoir indispensable. Un père n’est point le maître du mariage ou du célibat de sa fille, parce qu’il ne l’est point de ses désirs.

« Celui qui marie sa fille fait bien ; et celui qui ne la marie pas fait encore mieux. »

Voit-on dans cette sentence les traces de l’inspiration divine ? Je n’y trouve que celles de la raison humaine. Que, livré à lui-même, l’homme est peu de chose ! Quelle différence de saint Paul inspiré à saint Paul parlant de son chef ! Que ses mauvais conseils sur le célibat, comparés aux sublimes vérités qu’il annonce, à la sagacité avec laquelle il pénètre les mystères les plus profonds, aux belles leçons de morale qu’il donne partout ailleurs, me montrent bien dans les uns le doigt de l’homme, dans les autres le doigt de Dieu !

Revenons à M. de M... Les gazetiers lui font un crime de n’avoir pas dit que le célibat fut un précepte du christianisme ; et moi, je suis fâché qu’on puisse reprocher à ce grand homme d’avoir méconnu l’esprit de la religion au point d’avoir cru qu’elle en faisoit un conseil, et envisagé le célibat comme un état plus parfait. « A Dieu ne plaise, dit-il [1], que je parle ici contre le célibat qu’a adopté la religion ! »

Il en reconnoît donc la bonté ; il approuve donc cette « loi de discipline [2] », qui fait d’un mal physique un mal

  1. Esprit des Lois, L. XXIII, ch. XXI.
  2. Défense de l'Esprit des lois, pag. 117, 1re édition. [Sup. p. 179.)