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SUITE DE LA DÉFENSE


ce pas le seul moyen d’établir sur des fondements inébranlables les lois naturelles ? Recourir à la Genèse, c’aurait été ressembler à un architecte, qui dessineroit les dimensions du toit avant que d’avoir fixé celles des fondements.

L’éloge des stoïciens leur a supérieurement déplu. « Plus les stoïciens auront été irréligieux envers Dieu, et plus l’auteur sera coupable d’avoir dit de leur religion, qu’il n’y en a jamais eu dont les principes fussent plus dignes de l’homme et plus propres à former des gens de bien, et qu’elle seule savoit faire les citoyens, les grands hommes et les empereurs. Quand on parle ainsi d’une secte anti-chrétienne, et que l’on dit : je suis chrétien : le dit-on sérieusement ? »


Belle conclusion et digne de l’exorde !


Ne peut-on pas louer une secte anti-chrétienne, et néanmoins être bon chrétien ? Je conçois bien qu’un appelant ne sauroit louer un moliniste sans déroger au jansénisme ; mais il me semble qu’un philosophe peut rendre justice à la vertu partout où il la trouve. M. de M... n’a fait l’éloge que de la morale des stoïciens ; c’est à cette morale qu’il a donné la préférence sur celle de toutes les sectes païennes ; c’est évidemment le sens qu’il faut donner à ces paroles : « il n’y en a jamais eu. » Trop sage pour ne pas admirer la lumière que le Portique a répandu sur les devoirs de l’homme, dans ces temps ténébreux, où il erroit à la merci de son aveugle raison, il est trop convaincu de la sublime supériorité des vérités évangéliques, pour mettre en parallèle Zenon avec Jésus-Christ.