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DE L’ESPRIT DES LOIS.


peut lui donner tous les sens qu’on veut, pourvu qu’ils ne soient pas contraires au bon sens. Ils auroient mieux fait de se rappeler le conseil d’un autre Père, qui veut qu’on ne plaide pour une bonne cause que par de bonnes raisons [1], conseil que ce Père a pris rarement pour lui-même.

On fait grand bruit sur ce que M. de M... a dit que « la création, qui pourroit être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées ».

Qu’auroit-on dit, s'il avoit démontré avec Leibnitz et Wolff que de tous les mondes possibles celui-ci étoit le seul éligible ; et par conséquent aussi le seul possible par rapport à la nature divine ? Qu’auroit-on dit, si, allant de conséquence en conséquence, il avoit prouvé que Dieu n’a pas pu absolument créer un autre monde ?

Ce système, se seroit-on écrié, rentre dans la fatalité de l’athée.

Cependant cette objection n’auroit eu de la force que pour ceux qui font consister la liberté dans une espèce d’indifférence ; dans le pouvoir de suspendre, dans le balancement sur des objets de choix. Elle n’auroit point effrayé ceux qui font consister la parfaite liberté dans la plus prompte détermination de la volonté ; de manière que Dieu ne choisiroit jamais, à proprement parler, mais se déterminèrent toujours.

Ainsi, quand même M. de M... n’auroit pas voulu dire que a la création, qui parolt d’abord devoir produire des règles de mouvement variables, en a d’aussi invariables que la fatalité des athées » ; quand même il faudroit don-

  1. Quum quis, ad probandum fidem christianam, inducit rationes minime cogentes, cedit in irrisionem infidelium. Credunt enim quod hujus modi rationibus innitamur, et propter eat credamus. THOM.