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LIVRE XXXI, CHAP. IX.

Les maires d’Austrasie, c’est-à-dire la maison des Pépins, avoient traité l’Église avec plus de modération qu’on n’avoit fait en Neustrie et en Bourgogne ; et cela est bien clair par nos chroniques, où les moines ne peuvent se lasser d’admirer la dévotion et la libéralité des Pépins [1]. Ils avoient occupé eux-mêmes les premières places de l’Église. « Un corbeau ne crève pas les yeux à un corbeau, » comme disoit Chilpéric aux évêques [2].

Pépin soumit la Neustrie et la Bourgogne ; mais ayant pris, pour détruire les maires et les rois, le prétexte de l’oppression des églises, il ne pouvoit plus les dépouiller sans contredire son titre, et faire voir qu’il se jouoit de la nation. Mais la conquête de deux grands royaumes, et la destruction du parti opposé, lui fournirent assez de moyens de contenter ses capitaines.

Pépin se rendit maître de la monarchie en protégeant le clergé : Charles Martel, son fils, ne put se maintenir qu’en l’opprimant. Ce prince, voyant qu’une partie des biens royaux et des biens fiscaux avoit été donnée à vie ou en propriété à la noblesse , et que le clergé, recevant des mains des riches et des pauvres, avoit acquis une grande partie des allodiaux mêmes, il dépouilla les églises : et les fiefs du premier partage ne subsistant plus, il forma une seconde fois des fiefs [3]. Il prit, pour lui et pour se capitaines, les biens des églises et les églises même ; et fit cesser un abus qui, à la différence des maux ordinaires, étoit d’autant plus facile à guérir, qu’il étoit extrême.

    sacerdotum et servorum dei, qui me sœpius adierunt ut pro sublatu injuste patrimoniis, etc. (M.)

  1. Voyez les Annales de Metz. (M.)
  2. Dans Grégoire de Tours. (M.)
  3. Karolus, plurima juri ecclesiastico detrahens prœdia fisco sociavit, ac deinde militibus dispertivit. Ex Chronico Centulensi, lib. II. (M.)