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ÉLOGE

toutes les voix par lesquelles l’Europe a parlé, décidoient la question, et lui déclaroient qu’il étoit François et soumis aux lois de la France. La France avoit mis pour lors la paix pour fondement de son système politique. Quelle contradiction, si un pair du royaume[1], un maréchal de France, un gouverneur de province, avoit désobéi à la défense de sortir du royaume c’est-à-dire avoit désobéi réellement pour paroître, aux yeux des Anglois seuls, n’avoir pas désobéi ! En effet, le maréchal de Berwick étoit, par ses dignités mêmes, dans des circonstances particulières ; et on ne pouvoit guère distinguer sa présence en Écosse d’avec une déclaration de guerre avec l’Angleterre. La France jugeoit qu’il n’étoit point de son intérêt que cette guerre se fit ; qu’il en résulteroit une guerre qui embraseroit toute l’Europe. Comment pouvoit-il prendre sur lui le poids immense d’une démarche pareille ? On peut dire même que, s’il n’eût consulté que l’ambition, quelle plus grande ambition pouvoit-il avoir que le rétablissement de la maison de Stuart sur le trône d’Angleterre ? On sait combien il aimoit ses enfants. Quelles délices pour son cœur, s’il avoit pu prévoir un troisième établissement en Angleterre !

S’il avoit été consulté pour l’entreprise même dans les circonstances d’alors, il n’en auroit pas été d’avis ; il croyoit que ces sortes d’entreprises étoient de la nature de toutes les autres, qui doivent être réglées par la prudence, et qu’en ce cas une entreprise manquée a deux sortes de mauvais succès : le malheur présent, et une plus grande difficulté pour entreprendre de réussir à l’avenir.

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  1. var. De sortir du royaume, au serment qu’il en avoit prêté, c’est-à-dire, etc.