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SUR LE GOUT

notre curiosité en nous donnant un spectacle ; enfin il nous donne les différents plaisirs de la surprise.

La danse nous plaît par la légèreté, par une certaine grâce, par la beauté et la variété des attitudes, par sa liaison avec la musique, la personne qui danse étant comme un instrument qui accompagne : mais surtout elle plaît par une disposition de notre cerveau, qui est telle qu’elle ramène en secret l’idée de tous les mouvements à de certains mouvements, la plupart des attitudes à de certaines attitudes.


DE LA SENSIBILITÉ.


Presque toujours les choses nous plaisent et déplaisent à différents égards : par exemple, les virtuosi d’Italie[1] nous doivent faire peu de plaisir : 1º parce qu’il n’est pas étonnant qu’accommodés comme ils sont, ils chantent bien : ils sont comme un instrument dont l’ouvrier a retranché du bois pour lui faire produire des sons ; 2º parce que les passions qu’ils jouent sont trop suspectes de fausseté ; 3º parce qu’ils ne sont ni du sexe que nous aimons, ni de celui que nous estimons. D’un autre côté ils peuvent nous plaire, parce qu’ils conservent longtemps un air de jeunesse, et de plus, parce qu’ils ont une voix flexible, et qui leur est particulière. Ainsi chaque chose nous donne un sentiment qui est composé de beaucoup d’autres, lesquels s’affaiblissent et se choquent quelquefois.

Souvent notre âme se compose elle-même des raisons de plaisir, et elle y réussit surtout par les liaisons qu’elle met aux choses. Ainsi une chose qui nous a plu nous plaît

  1. Les castrats.