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PENSÉES DIVERSES.

fixe de penser qui échappe aux autres, car un homme qui ne saurait se distinguer que par une chaussure particulière, serait un sot par tout pays.

On doit rendre aux auteurs qui nous ont paru originaux dans plusieurs endroits de leurs ouvrages, cette justice, qu’ils ne se sont point abaissés à descendre jusqu’à la qualité de copistes.

Il y a trois tribunaux qui ne sont presque jamais d’accord : celui des lois, celui de l’honneur, celui de la religion.

Rien ne raccourcit plus les grands hommes que leur attention à de certains procédés personnels. J’en connais deux qui y ont été absolument insensibles : César et le duc d’Orléans régent.

Je me souviens que j’eus autrefois la curiosité de compter combien de fois j’entendrais faire une petite histoire qui ne méritait certainement pas d’être dite ni retenue : pendant trois semaines qu’elle occupa le monde poli, je l’entendis faire deux cent vingt-cinq fois, dont je fus très-content.

Un fonds de modestie rapporte un très-grand fonds d’intérêt[1].

Ce sont toujours les aventuriers qui font de grandes choses, et non pas les souverains des grands empires.

L’art de la politique rend-il nos histoires plus belles que celles des Romains et des Grecs ?

Quand on veut abaisser un général, on dit qu’il est heureux[2], mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique.

  1. La Place : Un fonds de modestie rapporte un très-grand intérêt.
  2. Ce mot rappelle celui de Fontenelle, à qui on disait, au sujet d’Inès de Castro, que la Motte était heureux. Oui, répondit-il, mais ce bonheur n’arrive jamais aux sots. (Note des Œuvres posthumes.)