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LETTRES FAMILIÈRES.

trois ou quatre mois encore. Je serois inconsolable, si cela me faisoit perdre le plaisir de voir le cher Cerati. Si cela étoit, je prétendrois bien qu’il vînt me voir à Bordeaux, il verroit son ami : mais il verroit mieux la France, où il n’y a que Paris et les provinces éloignées qui soient quelque chose, parce que Paris n’a pas pu encore les dévorer. Il feroit les deux côtés du carré, au lieu de faire la diagonale, et verroit les belles provinces qui sont voisines de l’Océan, et celles qui le sont de la Méditerranée.

Que dites-vous des Anglois ? voyez comme ils couvrent toutes les mers. C’est une grande baleine : Et latum sub pectore possidet œguor[1]. La reine d’Espagne a appris à l’Europe un grand secret. C’est que les Indes[2], qu’on croyoit attachées à l’Espagne par cent mille chaînes, ne tiennent qu’à un fil. Adieu, mon cher et illustre Abbé ; accordez-moi les sentiments que j’ai pour vous. Je suis, avec toute sorte de respect, etc.


De Bordeaux, le 6 mars 1740.


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LETTRE XXVIII.[3]


A M. ABRAHAM.


Mon cher Abraham, j’aurois besoin d’une lettre de change de 250 livres, à l’ordre de M. de Corrald, à Paris.

Mandez-moi ce qu’il faut que je vous envoie d’argent pour cela ; je ne sais à quel prix est le change.

  1. Ovide, Métamorphoses, IV, 689.
  2. Les Indes occidentales, c’est-à-dire l’Amérique.
  3. Collection de M. Chambry ; la lettre n’a pas de suscription.