Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
268
LETTRES FAMILIÈRES.


faire avec lui le voyage en Angleterre. Il a quitté la théologie pour la philosophie naturelle [1]. Un homme que la première science n’a point gâté est par la nature de son esprit très-propre à l’autre.

Ne ferons-nous jamais la paix, et faut-il que les deux plus puissantes nations du monde deviennent tributaires de toutes celles qui ont besoin d’argent, et se rendent plus pauvres qu’elles ? L’esprit de philosophie a gagné l’esprit, mais il a laissé le caractère et les mœurs. Je voudrois bien savoir ce que nous fait l’Allemagne, si on la regarde autrement que comme un objet de commerce. Je vous avouerai que j’ai toujours eu une vraie horreur pour cette guerre-ci, et je n’en trouve pas de plus stupide dans toutes les histoires.

Je vous supplie, Monsieur, de nous permettre de vous aimer, et je crois que je vous aimerois quand même vous n’auriez rien fait pour cela.

Adieu, monsieur, j’ai l’honneur d’être avec le respect et les sentiments du monde les plus tendres, votre très-humble et très-obéissant serviteur,


MONTESQUIEU.


Paris, ce 21 janvier 1743.
  1. La philosophie naturelle est le nom donné par les anglais à l’étude des sciences naturelles.
    ________