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LETTRES FAMILIÈRES.


petite-vérole de ce monarque, et que, tenant par deux frères à la cour de Vienne, il montre d’être fâché de ses échecs. Sachez, mon cher ami, qu’il va des seigneurs avec qui il ne faut jamais disputer après dîner. Vous avez agi très prudemment en lui écrivant après son réveil. Votre lettre est digne de vous, et je suis enchanté qu’elle l’ait désarmé. Vous devez être glorieux d’avoir triomphé, le jour de Saint Louis, d’un de nos lieutenants-généraux, sans que personne vous ait aidé.

Mandez-moi si vous accompagnerez Madame de Montesquieu à Clérac ; car mon ouvrage avance [1] ; et si vous prenez la route opposée, il faut que je sache où vous faire tenir la partie qui va être prête. Je souhaite que votre voyage sur le Pic du Midi soit plus heureux que la chasse d’amiante, et la pêche des truites du lac des Pyrénées. Mon ami, je vois que les choses difficiles ont de grands attraits pour vous, et que vous suivez plus votre curiosité que vous ne consultez vos forces. Souvenez-vous que vos yeux ne valent guère mieux que les miens : laissez que mon fils, qui en a de bons, grimpe sur les montagnes, et y aille faire des recherches sur l’histoire naturelle ; mais gardez les vôtres pour les choses nécessaires. Si l’on vous a regardé comme un politique dangereux, parce que vous aimez à lire les gazettes, vous courez risque que l’on vous fasse passer pour un sorcier, si vous allez grimpant sur des rochers escarpés. Adieu.

De Paris (en août 1716).
  1. L’Esprit des lois.
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