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LETTRES FAMILIÈRES.


deux partis à prendre : tâchez donc de ne vous pas faire attendre longtemps. Adieu.


De Paris, ce 28 mars 1748.


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LETTRE LXV.


A MONSEIGNEUR CERATI.


J’ai reçu, Monseigneur, non-seulement avec du plaisir, mais avec de la joie, votre lettre, par la voie de M. le prince de Craon. Comme vous ne me parlez point du tout de votre santé, et que vous écrivez, cela me fait penser qu’elle est bonne, et c’est un grand bien pour moi. M. Gendron [1] n’est pas mort, et je compte que vous le reverrez encore à Paris, se promenant dans son jardin avec sa petite canne, très-modeste admirateur des jésuites et des médecins. Pour parler sérieusement, c’est un grand bonheur que cet excellent homme vive encore, et nous aurions perdu beaucoup

  1. Ancien médecin de M. le Régent et le meilleur oculiste qu’il y eût en France. Il s’étoit retiré à Auteuil, dans la maison de M. Despréaux, son ami, qu’il avoit achetée après sa mort. C’est par allusion à ces deux hôtes, que M. de Montesquieu, se promenant un jour avec M. Gendron, fit ces deux vers, qu’il faudroit mettre, dit-il en badinant, sur la porte :

    Apollon dans ces lieux, prêt à nous secourir,
    Quitte l’art de rimer pour celui de guérir.

    M. de Voltaire avoit fait quatre vers sur le même sujet. Ce médecin n’excerçoit plus sa profession que pour quelques amis ; il n’aimoit pas de parler de médecine et il avoit une très médiocre idée des médecins en général. Il vivoit d’une honnête rente viagère qu’il s’étoit faite, faisoit beaucoup d’aumônes aux pauvres, aux malades, aux indigents qu’il voyoit tous les jours et aux persécutés pour cause de jansénisme. (GUASCO.)