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LETTRES FAMILIÈRES.



LETTRE CIII [1].


LE DUC DE NIVERNOIS, AMBASSADEUR A ROME,
AU PRÉSIDENT DE MONTESQUIEU.


J’ai l’honneur de vous envoyer, monsieur, une lettre du cardinal Querini, qu’il m’a envoyée pour vous, en m’ordonnant de la lire auparavant. Je l’ai lue, et je ne suis point du tout surpris de la justice qu’il rend à votre ouvrage et à votre personne. Mais, en la transmettant, je dois avoir l’honneur de vous avertir que la prudence exige que vous ne parliez à personne de ladite lettre ; que vous ne paroissiez nullement être en aucune liaison, encore moins en amitié avec lui, et qu’en lui faisant réponse, comme malheureusement vous ne pouvez vous en dispenser, vous ne mettiez dans votre lettre que des politesses vagues et générales, sans rien dire qui ait le moindre trait à votre ouvrage, ni à l’estime qu’il en fait, ni à la bonne volonté qu’il vous témoigne à cet égard. La raison de cela est qu’il suffiroit que le pape, qui est jusqu’à présent bien disposé en votre faveur, vînt à savoir que vous comptez sur Querini, pour qu’aussitôt Sa Sainteté changeât du blanc au noir. Et comme certainement M. le cardinal Querini rendra votre lettre publique, il est essentiel que vous fassiez beaucoup d’attention à ce que vous lui manderez.

Au demeurant votre affaire ne va point mal, quoique la dernière congrégation qui fut tenue sur cette matière

  1. Extrait des Œuvres posthumes du duc de Nivernais.