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LETTRES FAMILIÈRES.


coup d’honneur à La Lorraine, sa patrie. Dites aussi, je vous prie, quelque chose de ma part à M. Van-Swieten ; je suis un véritable admirateur de cet illustre [1] Esculape. Je vis hier M. et Mme de Senectère ; vous savez que je ne vois plus que les pères et les mères dans toutes les familles ; nous parlâmes beaucoup de vous ; ils vous aiment beaucoup. J’ai fait connoissance avec [2]..... Tout ce que je puis vous en dire, c’est que c’est un seigneur magnifique, et fort persuadé de ses lumières ; mais il n’est pas notre marquis de Saint-Germain ; aussi n’est-il pas un ambassadeur piémontois [3]. Bien de ces têtes diplo-

    estimable, que, né dans un état bien éloigne de la culture des lettres, il est parvenu à les cultiver, sans secours, par la seule force du talent. (GUASCO.)

  1. Il savoit que c’étoit à lui que les libraires de Vienne dévoient la liberté de pouvoir vendre l'Esprit des lois, dont la censure précédente des jésuites empêchoit l’introduction à Vienne ; car M. le baron Van-Swieten n’est pas seulement l’Esculape de cette ville impériale. Par sa qualité de premier médecin de la Cour, il est encore l'Apollon qui préside aux muses autrichiennes, tant par sa qualité de bibliothécaire impérial, charge qui, par un usage particulier à cette Cour, est unie à celle de premier médecin, que par celle de président de la censure des livres, et des études du pays, de sorte qu’il pourroit être en même temps le médecin des esprits, comme il l’est des corps, si le despotisme sur le Parnasse n’était pas trop effrayant pour les Muses, et si la sévérité, lorsqu’elle est trop scrupuleuse, ne rendoit pas plus ingénieux dans la contrebande des livres dangereux, comme elle prive quelquefois de ceux qui sont d’une utilité relative aux différentes ; professions. Quoi qu’il en soit, malgré la satire qu’on lit dans les Dialogues de M. de Voltaire, portant également sur les fonctions des deux ministères de ce savant médecin, Vienne lui doit déjà quelques changements utiles au bien des études ; et ce poëte célèbre lui doit surtout, que son histoire universelle soit, contre toute attente, entre les mains de tout le monde dans se pays-là. (G.)
  2. Ce nom n’a pas pu se lire, l’écriture étant effacée. (G.)

    Il est probable que Guasco n’a pas voulu publier le nom, et que ce nom est celui du comte de Sartirane.

  3. Il (Montesquieu) avoit été intimement lié avec M. le marquis de Breil, M. le commandeur Solar son frère, et M. le marquis de Saint-Germain, tous les trois ambassadeurs de Sardaigne ; le premier à Vienne, les deux autres à Paris ; tous les trois hommes du premier mérite. (G.)