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LETTRES FAMILIÈRES.


qu’on a pour vous retenir sont encore meilleures ; et j’espère que votre esprit patriotique s’y rendra. Je vois par là, avec bien de la joie, que ce que l'on ma dit des soins qu’on prend de l’éducation des archiducs, est très réel. Il ne suffit pas de mettre auprès d’eux des gens savants ; il leur faut des gens qui aient des vues élevées, et qui connoissent le monde ; et je crois, sans blesser votre modestie, qu’à ces titres vous devriez avoir des préférences. Le département de l’étude de l’histoire est un de ceux qui importent le plus à un prince ; mais il faut lui faire considérer l’histoire en philosophe, et il est bien difficile qu’un Régulier, ordinairement pédant, et livré par état à des préjugés, la lui développe dans ce point de vue, lors surtout qu’il s’agira de temps critiques et intéressants pour l’empire. Si l’on délivre de cette épine le département que l’on vous propose, j’aime trop le bien des hommes, pour ne pas vous conseiller de passer par-dessus les autres difficultés qui s’opposent à la réussite de cette affaire. Avec quelques précautions, le climat de Vienne ne nuira pas plus à vos yeux que celui de Flandre, à moins que vous ne préfériez la bière au vin de Tokai. Quant aux convenances d’étiquette de cour, je suis persuadé qu’on pense assez juste, pour ne pas perdre un homme utile, pour de si petites choses [1]. Je me repose là-dessus sur les vues supérieures de Marie-Thérèse. Vous voyez que je ne vous dis pas un mot des vues de fortune, parce que je sais que ce n’est pas ce qui

  1. L'usage de la Cour de Vienne est de ne point donner, comme dans plusieurs autres, un précepteur on chef aux princes de la maison ; mais seulement des instructeurs, dont chacun est chargé d’enseigner la partie de littérature qu’on leur fait apprendre, et, dans le choix de ceux qu’on nomme pour ces différents départements, on ne consulte que la capacité, sans avoir égard à la condition des personnes. Cette note se trouve dans Verrata de l’édition de Florence [Paris], 1767.)