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LETTRES FAMILIÈRES.


articles dépendants ou non de la religion révélée, a un juste sujet de l’attaquer, parce qu’il peut avoir quelque espérance de pourvoir à sa défense naturelle ; mais il n’en est pas de même en Angleterre, où tout homme qui attaque la religion révélée, l’attaque sans intérêt ; et où cet homme, quand il réussiroit, quand même il auroit raison dans le fond, ne feroit que détruire une infinité de biens pratiques, pour établir une vérité purement spéculative.

J’ai été ravi, etc.


De Paris, le 16 mai 1754.


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LETTRE CXLIV.


AU PRÉSIDENT HÉNAULT.


Je voudrois bien, monsieur mon illustre confrère, donner trois ou quatre livres de l’Esprit des Lois pour savoir écrire une lettre comme la vôtre ; et pour vos sentiments d’estime, je vous en rends bien d’admiration. Vous donnez la vie à mon âme, qui est languissante et morte, et qui ne sait plus que se reposer. Avoir pu vous amuser à Compiègne, c’est pour moi la vraie gloire. Mon cher président, permettez-moi de vous aimer, permettez-moi de me souvenir des charmes de votre société, comme on se souvient des lieux que l’on a vus dans sa jeunesse, et dont on dit : « J’étois heureux alors ! » Vous faites des lectures sérieuses à la cour, et la cour ne perd rien de vos agréments ; et moi, qui n’ai rien à faire, je ne puis me résoudre à faire quelque chose. J’ai toujours senti cela : moins on travaille,