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A PAPHOS.


Non, non, m’écriai-je, j’apprendrai à Mélite ce qu’elle ignore. D’abord elle ne me croira pas ; je lui jurerai sur le nom d’Amour que c’est de Carite que je le sais ; elle n’en doutera plus, mais elle sera toujours si modeste que si je pouvais oublier que c’est Mélite, je douterais moi-même qu’elle ait foi à mon serment. Carite nous quitta pour aller joindre ses sœurs au lever de Vénus, et Zélide me conduisit dans les différents appartements du pavillon.

Qui pourrait en décrire les beautés ? Non, Mélite, je ne l’entreprendrai point : votre imagination suffit ; elle ne vous laissera rien échapper de ce que l’art peut avoir inventé pour faire une demeure digne des Grâces.

Nous nous arrêtâmes quelques moments dans le salon des livres. J’étais curieux de connaître ceux qui ont la gloire d’amuser Paphos.

Je ne vis que des titres galants. Ils sont rangés sur différents gradins, selon la valeur que les Grâces leur donnent. Ovide et Tibulle sont placés sur le même rang qu’Anacréon et Sapho ; mais entre les vers du siècle d’Ovide et ceux de notre temps, les Grâces judicieuses ont laissé l’espace de bien des livres.

Je mis d’abord la main sur un volume de poésies, où je reconnus quelques pièces d’un petit nombre d’auteurs, qui se sont plus attachés aux sentiments qu’à l’esprit.

Je trouvai sur le même gradin différentes historiettes. On ne lit à Paphos que celles que le beau sexe a bien voulu écrire ; les autres n’y sont pas connues.

Un recueil de chansons, avec défense, à la marge, d’en chanter certaines, qui sont composées sur des airs d’un mouvement si rapide qu’on ne peut les rendre sans convulsions.

Des extraits de plusieurs de nos romans. Les volumes