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A PAPHOS.

Fils de Vénus, tu cachais ton dessein ? J’exauce ta prière, me dit-il, mais il faut qu’à ta place un autre cœur me soit soumis ; choisis, et que j’apprenne par qui tu veux être remplacé ; donne-moi, s’il se peut, de ces cœurs qui n’ont jamais aimé, qui craignent même de me connaître ; c’est dans ces cœurs que je me plais à triompher.

Triomphez de Mélite, Amour ; son cœur doit faire honneur à votre empire, et sa beauté à celui de Vénus.

Suis-moi, répond le dieu de Cythère, tu vas être témoin de ma victoire. Ah ! dit-il, en abordant Mélite, si l’Amour pouvait être inconstant, je blesserais ce cœur en faveur de l’Amour même. Mais... le trait part à l’instant, et Mélite enflammée ne se reconnaît plus. Voilà comme je blesse les cœurs que je veux rendre heureux, ajoute l’Amour, en arrachant le trait du sein de Mélite, et le plongeant dans le mien. Un sourire va t’apprendre, Diphile, qui tu dois aimer, et s’il est des douceurs dans mon empire ; je devrais te punir d’en avoir douté ; mais j’oublie ton offense, et, pour te récompenser d’avoir souhaité d’aimer tant d’objets divers, je te donne pour Mélite une constance éternelle.

Mais, Mélite, pourquoi vous retracer une victoire, qu’Amour ne pouvait remporter sans vous ?

Votre sort est charmant, dit Zélide, je ne vois que Lycas [1] et sa nymphe qui puissent être blessés plus heureusement que vous. Je vous apprendrai à mon tour comment l’Amour s’est rendu maître de nos cœurs ; mais le concert que j’entends annonce que Vénus et Bacchus vont recevoir à leur table Ariane et Adonis.

Les dieux viennent avec empressement sur la terre

  1. A. Palmire.