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A PAPHOS.

J’allais disputer avec Zélide qui doit aimer plus tendrement des cœurs qu’Amour blessa du même trait, ou de ceux que Bacchus et l’Amour ont tous deux enflammés. Mais les cors que nous entendîmes, annoncèrent le retour de la chasse.

Les jeunes Nymphes et les Amours préparaient un concert dans le pavillon des Grâces. Vénus vint l’entendre. Quels accords ! quelle mélodie ! l’harmonie de Paphos n’est point celle qu’on entend chez les mortels. Différente de ces sons qu’on admire, en demandant s’ils sont agréables ; et bien éloignée de cette langueur qu’on rencontre si souvent en voulant chercher ce qui touche. Chaque ton formé à Paphos pénètre jusqu’au fond du cœur, et mêlés ensemble leur harmonie fait oublier qu’il y ait d’autres plaisirs.

Les Nayades attendaient Vénus pour la reconduire à son palais. Un lit de feuillage que les Grâces ont soin d’orner de concert avec Flore, semble nager sur le canal de Paphos ; des cygnes en soutiennent le poids, et les Colombes attelées, en suivant les Zéphirs qui caressent les Nayades, font voler la Déesse sur la surface de l’onde.

Toute la cour se rangea sur les bords du canal, [et Zélide me plaça pour rendre encore mes hommages à Vénus.

Heureux amant, me dit la Déesse, vous aimez Mélite ; vous avez vu Paphos, et vous aimerez encore plus. Allez, ajouta-t-elle, ne cessez point de mériter la tendresse de Mélite, vous plairez toujours à Vénus.

Eh bien ! adorable Mélite, n’êtes-vous point satisfaite du récit de mon voyage ? Et, s’il vous flatte autant qu’il paraît, je vous exhorte de m’y suivre. Je veux y retourner et vous y conduire. Nous y verrons le lieu qui nous est destiné, comme parfaits amants, et comme amants qui savent dignement célébrer les mystères de l’Amour. Il faut tâcher,