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SUR L'HISTOIRE NATURELLE.

portera des graines qui produiront des arbres à leur tour : ainsi, s’il est vrai qu’un arbre ne soit que le développement d’une graine qui le produit, il faudra dire qu’une graine étoit comme cachée dans ce bâton de saule : ce que je ne saurois m’imaginer.

On distingue la végétation des plantes de celle des pierres et des métaux : on dit que les plantes croissent par intus-susception, et les pierres par juxtaposition ; que les parties qui composent la forme des premières croissent par une addition de matière qui se fait dans leurs fibres, qui, étant naturellement lâches et affaissées, se dressent à mesure que les sucs de la terre entrent dans leurs interstices.

C’est, dit-on, la raison pour laquelle chaque espèce d’arbre parvient à une certaine grandeur, et non pas au delà, parce que les fibres n’ont qu’une certaine extension, et ne sont pas capables d’en recevoir une plus grande. Nous avouons que nous ne concevons guère ceci. Quand on met un bâton vert dans la terre, il pousse des branches qui ne sont aussi qu’une extension des mêmes fibres, ainsi à l’infini, et on vient de la faire très-bornée. D’ailleurs cette extension de fibres à l’infini nous paroît une véritable chimère : il n’est point ici question de la divisibilité de la matière ; il ne s’agit que d’un certain ordre et d’un certain arrangement de fibres, qui, affaissées au commencement, deviennent à la fin plus roides, et qu’on croit devoir parvenir enfin à un certain degré, après lequel il faudra qu’elles se cassent : il n’y a rien de si borné que cela.

Nous osons donc le dire, et nous le disons sans rougir, quoique nous parlions devant des philosophes : nous croyons qu’il n’y a rien de si fortuit que la production des plantes ;