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OBSERVATIONS

production des plantes, différente du mouvement général de la matière, sont des cartésiens mitigés qui ont abandonné la règle de leur maître.

Ce grand système de Descartes, qu’on ne peut lire sans étonnement ; ce système, qui vaut lui seul tout ce que les auteurs profanes ont jamais écrit ; ce système, qui soulage si fort la Providence, qui la fait agir avec tant de simplicité et tant de grandeur ; ce système immortel, qui sera admiré dans tous les âges et toutes les révolutions de la philosophie, est un ouvrage à la perfection duquel tous ceux qui raisonnent doivent s’intéresser avec une espèce de jalousie. Mais passons à un autre sujet.

VI. Depuis la célèbre dispute de Méry et de Duverney, que l’Académie des sciences de Paris n’osa juger, tout le monde connoît le trou ovale et le conduit total ; tout le monde sait que, le fœtus ne respirant point dans le ventre de la mère, le sang ne peut passer de l’artère dans la veine du poumon : ainsi il n’auroit pu être porté du ventricule droit dans le ventricule gauche du cœur, si la nature n’y avoit suppléé par ces deux conduits particuliers, qui se bouchent après la naissance, parce que le sang abandonne cette route pour en prendre une nouvelle.

Mais ces conduits ne s’effacent jamais dans la tortue, les canards et autres animaux semblables, parce, dit-on, qu’alors qu’ils sont sous l’eau, où ils ne respirent point, il faut nécessairement que le sang prenne une route différente de celle des poumons.

Nous finies mettre un canard sous l’eau pour voir combien de temps il pourroit vivre hors de l’air, et si la circulation qui se fait par ces conduits pouvoit suppléer à la circulation ordinaire ; nous remarquâmes une effusion perpétuelle de petites bulles qui sortoient de ses narines :