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OBSERVATIONS

dence, au lieu de l’accuser, si l’on connoissoit tous ses bienfaits.

Dans cette idée, nous avons conçu le dessein d’examiner les végétaux, les écorces et une infinité de choses qu’on ne soupçonneroit pas par rapport à leur qualité nutritive. La vie des animaux qui ont le plus de rapports à l’homme seroit bien employée pour faire de pareilles expériences. Nous en avons commencé quelques-unes qui nous ont réussi très-heureusement. La brièveté du temps ne nous permet pas de les rapporter ici ; d’ailleurs nous voulons les joindre à un grand nombre d’autres que nous nous proposons de faire sur ce sujet. Notre dessein est aussi d’examiner en quoi consiste la qualité nutritive des plantes : il n’est pas toujours vrai que celles qui viennent dans une terre grasse soient plus propres à nourrir que celles qui viennent dans un terrain maigre. Il y a dans le Quercy un pays qui ne produit que quelques brins d’une herbe très-courte, qui sort au travers des pierres dont il est couvert ; cette herbe est si nourrissante, qu’une brebis y vit, pourvu que chaque jour elle en puisse amasser autant qu’il en pourroit entrer dans un dé à coudre[1] ; au contraire, dans le Chili, les viandes y nourrissent si peu, qu’il faut absolument manger de trois en trois heures, comme si ce pays étoit tombé dans la malédiction dont Dieu menace son peuple dans les livres saints : J’ôterai au pain, la force de nourrir[2].

Je me vois obligé de dire ici que le sieur Duval[3] nous a beaucoup aidés dans ces observations, et que nous devons

  1. Il est permis de douter de ce fait merveilleux.
  2. Isaïe, iii, 1.
  3. L’abbé Duval était secrétaire de Montesquieu ; ce fut lui qui porta le manuscrit des Lettres persanes en Hollande, et l’y fit imprimer.