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ACADÉMIQUES.

tés, et leur apprendre qu’ils ne sont pas plus à vous que vos autres sujets, puisse être longtemps auprès de votre trône, et y partager avec vous les peines de la monarchie !

Avocats, la cour connoît votre intégrité, et elle a du plaisir de pouvoir vous le dire. Les plaintes contre votre honneur n’ont point encore monté jusqu’à elle. Sachez pourtant qu’il ne suffit pas que votre ministère soit désintéressé pour être pur. Vous avez du zèle pour vos parties, et nous le louons ; mais ce zèle devient criminel lorsqu’il vous fait oublier ce que vous devez à vos adversaires. Je sais bien que la loi d’une juste défense vous oblige souvent de révéler des choses que la honte avoit ensevelies ; mais c’est un mal que nous ne tolérons que lorsqu’il est absolument nécessaire. Apprenez de nous cette maxime, et souvenez-vous-en toujours : « Ne dites jamais la vérité aux dépens de votre vertu. »

Quel triste talent que celui de savoir déchirer les hommes ! Les saillies de certains esprits sont peut-être les plus grandes épines de notre ministère ; et, bien loin que ce qui fait rire le peuple puisse mériter nos applaudissements, nous pleurons toujours sur les infortunés qu’on déshonore.

Quoi ! la honte suivra tous ceux qui approchent de ce sacré tribunal ! Hélas ! craint-on que les grâces de la justice ne soient trop pures ? Que peut-on faire de pis pour les parties ? On les fait gémir sur leurs succès mêmes, et on leur rend, pour me servir des termes de l’Écriture, « les fruits de la justice amers comme de l’absinthe[1] ».

Eh ! de bonne foi, que voulez-vous que nous répon-

  1. Amos, VI, v, 13.