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DISCOURS ACADÉMIQUES.

toutes les machines ; que les effets de la nature ne sont qu’une suite des lois et des communications du mouvement, Cortez, avec une poignée de gens, n’auroit jamais détruit l’empire du Mexique, ni Pizarre celui du Pérou.

Qui diroit que cette destruction, la plus grande dont l’histoire ait jamais parlé, n’ait été qu’un simple effet de l’ignorance d’un principe de philosophie ? Cela est pourtant vrai, et je vais le prouver. Les Mexicains n’avoient point d’armes à feu ; mais ils avoient des arcs et des flèches, c’est-à-dire ils avoient les armes des Grecs et des Romains : ils n’avoient point de fer ; mais ils avoient des pierres à fusil qui coupoient comme du fer, et qu’ils mettoient au bout de leurs armes : ils avoient même une chose excellente pour l’art militaire, c’est qu’ils faisoient leurs rangs très-serrés ; et sitôt qu’un soldat étoit tué, il étoit aussitôt remplacé par un autre : ils avoient une noblesse généreuse et intrépide, élevée sur les principes de celle d’Europe, qui envie le destin de ceux qui meurent pour la gloire. D’ailleurs la vaste étendue de l’empire donnoit aux Mexicains mille moyens de détruire les étrangers, supposé qu’ils ne pussent pas les vaincre. Les Péruviens avoient les mêmes avantages ; et même, partout où ils se défendirent, partout où ils combattirent, ils le firent avec succès. Les Espagnols pensèrent même être exterminés par de petits peuples qui eurent la résolution de se défendre. D’où vient donc qu’ils[1] furent si facilement détruits ? C’est que tout ce qui leur paroissoit nouveau, un homme barbu, un cheval, une arme à feu, étoit pour eux l’effet d’une puissance invisible, à laquelle ils se jugeoient incapables de résister. Le courage

  1. Les Mexicains et les Péruviens.