Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/392

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il faut encore que la redevance ne puisse augmenter[1]. De plus ; il est bon que le prince se contente de son domaine & du service militaire. Mais, s’il veut lever des tributs en argent sur les esclaves de sa noblesse, il faut que le seigneur soit garant[2] du tribut, qu’il le paie pour les esclaves, & le reprenne sur eux. Et, si l’on ne suit pas cette regle, le seigneur & ceux qui levent les revenus du prince vexeront l’esclave tour à tour, & le reprendront l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il périsse de misere, ou fuie dans les bois.


CHAPITRE VI.

D’un état despotique, en cas pareil.


CE que je viens de dire est encore plus indispensable dans l’état despotique. Le seigneur, qui peut à tous les instans être dépouillé de ses terres & de ses esclaves, n’est pas si porté à les conserver.

Pierre premier, voulant prendre la pratique d’Allemagne & lever ses tributs en argent, fit un réglement très-sage que l’on suit encore en Russie. Le gentilhomme leve la taxe sur les paysans, & la paie au czar. Si le nombre des paysans diminue, il paie tout de même ; si le nombre augmente, il ne paie pas davantage : il est donc intéressé à ne point vexer ses paysans.

  1. C’est ce qui fit faire à Charlemagne ces belles institutions là-dessus. Voyez le livre cinquieme des capitulaires, article 303.
  2. Cela se pratique aussi en Allemagne.