Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/550

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Platon[1] dit que, dans une ville où il n’y a point de commerce maritime, il faut la moitié moins de loix civiles ; & cela est très-vrai. Le commerce introduit dans le même pays différentes sortes de peuples, un grand nombre de conventions, d’especes de biens, & de manieres d’acquérir.

Ainsi, dans une ville commerçante, il y a moins de juges, & plus de loix.


CHAPITRE XIX.

Que le prince ne doit point faire le commerce.


THÉOPHILE[2] voyant un vaisseau où il y avoit des marchandises pour sa femme Théodora, le fit brûler. "Je suis empereur, lui dit-il, & vous me faites patron de galere. En quoi les pauvres gens pourront-ils gagner leur vie, si nous faisons encore leur métier ? " Il auroit pu ajouter : Qui pourra nous réprimer, si nous faisons des monopoles ? Qui nous obligera de remplir nos engagemens ? Ce commerce que nous faisons, les courtisans voudront le faire ; ils seront plus avides & plus injustes que nous. Le peuple a de la confiance en notre justice ; il n’en a point en notreo pulence : tant d’impôts, qui sont sa misere, sont des preuves certaines de la nôtre.


  1. Des loix, liv. VIII.
  2. Zouare.