Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/300

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La conséquence qu’on en voudrait tirer, que les Barbares firent un règlement général pour établir partout la servitude de la glèbe, n’est pas moins fausse que le principe. Si, dans un temps où les fiefs étaient amovibles, toutes les terres du royaume avaient été des fiefs, ou des dépendances des fiefs, et tous les hommes du royaume des vassaux ou des serfs qui dépendaient d’eux ; comme celui qui a les biens a toujours aussi la puissance, le roi, qui aurait disposé continuellement des fiefs, c’est-à-dire de l’unique propriété, aurait eu une puissance aussi arbitraire que celle du sultan l’est en Turquie : ce qui renverse toute l’histoire.


Chapitre VI.

Des Goths, des Bourguignons et des Francs.


Les Gaules furent envahies par les nations germaines. Les Wisigoths occupèrent la Narbonnaise, et presque tout le Midi ; les Bourguignons s’établirent dans la partie qui regarde l’Orient ; et les Francs conquirent à peu près le reste.

Il ne faut pas douter que ces barbares n’aient conservé dans leurs conquêtes les mœurs, les inclinations et les usages qu’ils avaient dans leur pays, parce qu’une nation ne change pas dans un instant de manière de penser et d’agir. Ces peuples, dans la Germanie, cultivaient peu les terres. Il paraît par Tacite et César, qu’ils s’appliquaient beaucoup à la vie pastorale : aussi les dispositions des codes des lois des Barbares roulent-elles presque toutes sur les troupeaux. Roricon, qui écrivait l’histoire chez les Francs, était pasteur.