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CHAPITRE XIV.

Comment le change gêne les états despotiques.


LA Moscovie voudroit descendre de son despotisme, & ne le peut. L’établissement du commerce demande celui du change ; & les opérations du change contredisent toutes ses loix.

En 1745, la czarine fit une ordonnance pour chasser les juifs, parce qu’ils avoient remis, dans les pays étrangers, l’argent de ceux qui étoient relégués en Sibérie, & celui des étrangers qui étoient au service : tous les sujets de l’empire, comme des esclaves, n’en peuvent sortir, ni faire sortir leurs biens, sans permission. Le change, qui donne le moyen de transporter l’argent d’un pays à un autre, est donc contradictoire aux loix de la Moscovie.

Le commerce même contredit ses loix. Le peuple n’est composé que d’esclaves attachés aux terres, & d’esclaves qu’on appelle ecclésiastiques ou gentilshommes, parce qu’ils sont les seigneurs de ces esclaves : il ne reste donc gueres personnes pour le tiers état, qui doit former les ouvriers & les marchands.


CHAPITRE XV.

Usage de quelques pays d’Italie.


DANS quelques pays d’Italie, on a fait des loix pour empêcher les sujets de vendre des fonds de terre, pour transporter leur argent dans les pays étrangers. Ces loix pouvoient être bonnes, lorsque les richesses de chaque état étoient tellement à lui, qu’il y avoit beaucoup de difficulté à les faire passer à un autre. Mais depuis que,