Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la campagne ; mais je n’ai pu jusqu’ici le porter à souffrir qu’on le consacrât à cet emploi. Comme je vois qu’au bout du compte c’est son avantage, je voulus l’autre jour user à son égard d’un peu de rigueur; et, de concert avec l’intendant de tes jardins, j’ordonnai que, malgré lui, on le mît en état de te rendre les services qui flattent le plus ton cœur, et de vivre comme moi dans ces redoutables lieux qu’il n’ose pas même regarder : mais il se mit à hurler comme si on avoit voulu l’écorcher, et fit tant qu’il échappa de nos mains, et évita le fatal couteau. Je viens d’apprendre qu’il veut t’écrire pour te demander grâce, soutenant que je n’ai conçu ce dessein que par un désir insatiable de vengeance sur certaines railleries piquantes qu’il dit avoir faites de moi. Cependant je te jure par les cent mille prophètes que je n’ai agi que pour le bien de ton service, la seule chose qui me soit chère, et hors laquelle je ne regarde rien. Je me prosterne à tes pieds.

Du sérail de Fatmé, le 7 de la lune de Maharram, 1713.

LETTRE xlii.

Pharan à Usbek, son souverain seigneur.


Si tu étois ici, magnifique Seigneur, je paroîtrois à ta vue tout couvert de papier blanc, et il n’y en auroit pas assez pour écrire toutes les insultes que ton premier eunuque noir, le