Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/116

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j’écris le soir ce que j’ai remarqué, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu dans la journée. Tout m’intéresse, tout m’étonne : je suis comme un enfant, dont les organes encore tendres sont vivement frappés par les moindres objets.

Tu ne le croirois pas peut-être, nous sommes reçus agréablement dans toutes les compagnies et dans toutes les sociétés ; je crois devoir beaucoup à l’esprit vif et à la gaieté naturelle de Rica, qui fait qu’il recherche tout le monde, et qu’il en est également recherché. Notre air étranger n’offense plus personne ; nous jouissons même de la surprise où l’on est de nous trouver quelque politesse : car les François n’imaginent pas que notre climat produise des hommes. Cependant, il faut l’avouer, ils valent la peine qu’on les détrompe.

J’ai passé quelques jours dans une maison de campagne auprès de Paris, chez un homme de considération, qui est ravi d’avoir de la compagnie chez lui. Il a une femme fort aimable, et qui joint à une grande modestie une gaieté que la vie retirée ôte toujours à nos dames de Perse.

Étranger que j’étois, je n’avois rien de mieux à faire que d’étudier cette foule de gens qui y abordoit sans cesse, et qui me présentoit toujours quelque chose de nouveau. Je remarquai d’abord un homme dont la simplicité me plut ; je m’attachai à lui, il s’attacha à moi : de sorte que nous nous trouvions toujours l’un auprès de l’autre.

Un jour que, dans un grand cercle, nous nous entretenions en particulier, laissant les conversations générales à elles-mêmes : Vous trouverez peut-être en moi, lui dis-je, plus de curiosité que