Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’apprends avec plaisir le soin que tu te donnes de l’éducation de la tienne. Dieu veuille que son mari la trouve aussi belle et aussi pure que Fatima ; qu’elle ait dix eunuques pour la garder ; qu’elle soit l’honneur et l’ornement du sérail où elle est destinée ; qu’elle n’ait sur sa tête que des lambris dorés et ne marche que sur des tapis superbes ; et, pour comble de souhaits, puissent mes yeux la voir dans toute sa gloire !

À Paris, le 5 de la lune de Chalval, 1714.

LETTRE lxxii.

Rica à Usbek.
À ***.


Je me trouvai l’autre jour dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui. Dans un quart d’heure, il décida trois questions de morale, quatre problèmes historiques, et cinq points de physique : Je n’ai jamais vu un décisionnaire si universel ; son esprit ne fut jamais suspendu par le moindre doute. On laissa les sciences ; on parla des nouvelles du temps : il décida sur les nouvelles du temps. Je voulus l’attraper, et je dis en moi-même : Il faut que je me mette dans mon fort ; je vais me réfugier dans mon pays. Je lui parlai de la Perse ; mais, à peine lui eus-je dit quatre mots, qu’il me donna deux démentis, fondés sur