Page:Montesquieu - Lettres persanes I, 1873.djvu/192

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mauvaise humeur de la leur ôter : je voudrois seulement qu’on en établît une autre ; non pas contre les hérétiques, mais contre les hérésiarques qui attribuent à de petites pratiques monacales la même efficacité qu’aux sept sacrements ; qui adorent tout ce qu’ils vénèrent ; et qui sont si dévots qu’ils sont à peine chrétiens.

Vous pourrez trouver de l’esprit et du bon sens chez les Espagnols ; mais n’en cherchez point dans leurs livres : voyez une de leurs bibliothèques, les romans d’un côté, et les scolastiques de l’autre : vous diriez que les parties en ont été faites, et le tout rassemblé, par quelque ennemi secret de la raison humaine.

Le seul de leurs livres qui soit bon est celui qui a fait voir le ridicule de tous les autres.

Ils ont fait des découvertes immenses dans le nouveau monde, et ils ne connoissent pas encore leur propre continent : il y a sur leurs rivières tel port qui n’a pas encore été découvert, et dans leurs montagnes des nations qui leur sont inconnues.

Ils disent que le soleil se lève et se couche dans leur pays : mais il faut dire aussi qu’en faisant sa course il ne rencontre que des campagnes ruinées et des contrées désertes.

Je ne serois pas fâché, Usbek, de voir une lettre écrite à Madrid par un Espagnol qui voyageroit en France ; je crois qu’il vengeroit bien sa nation. Quel vaste champ pour un homme flegmatique et pensif ! Je m’imagine qu’il commenceroit ainsi la description de Paris.

Il y a ici une maison où l’on met les fous : on croiroit d’abord qu’elle est la plus grande de la