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inanimé sous l’empire de ce sexe, et qui, ministre de la modestie, dans les actions les plus libres, ne porte que de chastes regards, et ne puis inspirer que l’innocence.

Dès que je l’eus jugée digne de toi, je baissai les yeux : je lui jetai un manteau d’écarlate, je lui mis au doigt un anneau d’or ; je me prosternai à ses pieds, je l’adorai comme la reine de ton cœur ; je payai les Arméniens ; je la dérobai à tous les yeux. Heureux Usbek ! tu possèdes plus de beautés que n’en enferment tous les palais d’Orient. Quel plaisir pour toi de trouver, à ton retour, tout ce que la Perse a de plus ravissant, et de voir dans ton sérail renaître les grâces, à mesure que le temps et la possession travaillent à les détruire !

Du sérail de Fatmé, le premier de la lune de Rebiab 1, 1715.

LETTRE lxxxi.

Usbek à Rhédi.
À Venise.


Depuis que je suis en Europe, mon cher Rhédi, j’ai vu bien des gouvernements : ce n’est pas comme en Asie, où les règles de la politique se trouvent partout les mêmes.

J’ai souvent pensé en moi-même, pour savoir quel de tous les gouvernements était le plus conforme à la raison. Il m’a semblé que le plus