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maris, qui en tiroient, dans le chemin, le meilleur parti qu’il étoit possible.

J’ose le dire : si, dans une république comme Lacédémone, où les citoyens étoient sans cesse gênés par des lois singulières et subtiles, et dans laquelle il n’y avoit qu’une famille, qui étoit la république, il avoit été établi que les maris changeassent de femmes tous les ans, il en seroit né un peuple innombrable.

Il est assez difficile de faire bien comprendre la raison qui a porté les chrétiens à abolir le divorce. Le mariage, chez toutes les nations du monde, est un contrat susceptible de toutes les conventions, et on n’en a dû bannir que celles qui auroient pu en affaiblir l’objet ; mais les chrétiens ne le regardent pas dans ce point de vue : aussi ont-ils bien de la peine à dire ce que c’est. Ils ne le font pas consister dans le plaisir des sens ; au contraire, comme je te l’ai déjà dit, il semble qu’ils veulent l’en bannir autant qu’ils peuvent : mais c’est une image, une figure et quelque chose de mystérieux que je ne comprends point.

De Paris, le 19 de la lune de Chahban 1718.

LETTRE CXVIII.

USBEK AU MÊME.


La prohibition du divorce n’est pas la seule cause de la dépopulation des pays chrétiens : le grand nombre d’eunuques qu’ils ont parmi eux n’en est pas une moins considérable.