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GRANDEUR ET DÉCADENCE

être faites ; mais il y a des cas où elles doivent être faites en conformité des principes des loix politiques sur lesquelles tous les gouvernements sont fondés.

Le salut de l’État est la suprême loi. Ainsi, quoique nos rois, jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, eussent donné aux Huguenots la tolérance extérieure, on ne peut pas dire qu’ils ne fussent pas très bons Catholiques, ni qu’ils eussent pour les Huguenots une tolérance intérieure ; et on ne peut pas dire non plus que les princes catholiques d’Allemagne aient cessé d’être Catholiques parce que, par le traité de Westphalie, ils établirent entre les Catholiques, les Calvinistes et [les] Luthériens une tolérance extérieure. On ne peut pas dire non plus que l’Espagne et le Portugal soient plus catholiques que l’Italie et la France, parce que l’Espagne et le Portugal n’ont point de tolérance extérieure pour les Juifs, et que les loix de l’Italie et de France leur accordent cette tolérance ; car l’Italie et la France n’ont pas plus la tolérance intérieure pour les Juifs que l’Espagne et le Portugal.

Personne, sur la Terre, ne peut nier cette grande distinction, à moins qu’on ne veuille que les princes ne sont (sic) pas princes, et qu’ils n’ont (sic) pas été établis de Dieu pour maintenir la paix parmi leurs sujets et faire tout ce qui peut contribuer aux biens de l’État et à sa conservation.

Ces principes étant une fois posés, les principaux embarras des disputes présentes tombent en grande partie ; car il suit de là que, dans les disputes présentes, il n’arrivera jamais que le Prince puisse être