Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plaindre les gens malheureux, même ceux qui ont mérité de l’être, quand ce ne seroit que par ce qu’ils ont mérité de l’être»?»

Mais (répétons-le) ce n’est point l’homme que les Pensées (manuscrites) font surtout connaître; c’est le philosophe et l’auteur: le philosophe, avec ses méthodes et ses principes; et l’auteur, avec ses théories littéraires et ses productions successives, allant de l’ébauche en vers, jusqu’au chef-d’œuvre en prose.

III

Quant aux méthodes du philosophe, nous relèverons un seul point, mais capital.

Montesquieu s’était appliqué trop sérieusement aux sciences physiques et naturelles pour méconnaître le rôle des observations ou des expériences rigoureuses dans la découverte de la vérité. A ce point de vue, il est instructif de lire sa note sur la peste et la manière de la combattre2. Mais, précisément, comme il se rendait bien compte des conditions sous lesquelles l’induction est légitime, il se défiait des applications qu’on voudrait en faire aux études politiques et sociales. Ce n’est que lorsqu’elles portent sur des phénomènes semblables que les généralisations sont fécondes. Avec des éléments divers, n’ayant que de l’analogie, on ne fonde point de vraies sciences.

Dans ses Pensées, l’auteur de l’Esprit des Lois met en garde, à plusieurs reprises, contre les illusions que se font certaines gens; et notamment dans le passage qui suit:

« Les politiques ont beau étudier leur Tacite; ils n’y trouveront que des réflexions subtiles sur des faits qui

1. Pensées (manuscrites), tome I, page 3g2.

2. Pensées (manuscrites), tome I, page 122.