Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/22

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auroient besoin de l’éternité du Monde, pour revenir dans les mêmes circonstances1. »

Est-ce à dire que toute généralisation soit stérile en ces matières? Nullement! Une philosophie prudente peut arriver à des conclusions vraies et utiles par l’examen de ce qu’il y a de permanent dans l’histoire. Or qu’y trouvet-on partout et toujours? L’Homme, avec ses facultés, ses instincts et ses passions, causes intimes et éternelles de toutes les vicissitudes des Peuples.

C’est parce qu’ils sont (comme les Lettres Persanes) l’œuvre d’un moraliste, d’un moraliste hors ligne, que l’Esprit des Lois et les Considérations sur la Grandeur des Romains ne cesseront point d’exciter l’admiration des penseurs à venir.

IV

Les fragments que nous publions permettront aussi de mieux comprendre les idées fondamentales de Montesquieu, telles qu’elles ressortent de ses œuvres antérieurement connues. Ils nous en découvrent quelquefois l’origine, et souvent en montrent le développement graduel. On assiste (comme nous l’avons déjà dit) au travail qui s’est fait, pendant trente et quelques années, dans un des plus grands esprits dont l’Humanité s’honore.

Spécialement, les Pensées doivent nous empêcher de confondre ce que nous appellerons le rêve, rêve idyllique, de l’Auteur avec ses théories proprement dites.

Un certain état social peut lui paraître supérieur aux autres pour assurer aux habitants de la Terre ce qu’il juge être leur vrai bonheur. Mais jamais il n’eut la naïveté de croire qu’un législateur quelconque pût imposer ce

1. Ptuéti (manuscrites), tome I, paye 539.